INFO-BURKINA

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Des tirs de rafales réveillent le président Blaise

 


Le Burkina Faso depuis l’entame de la décennie 2000 – 2010 a connu des situations dramatiques où le peuple a eu besoin de l’entendre, mais il était resté aphone ou très peu bavard. Accident de Boromo, déluge du 1er septembre, crises estudiantines, manifestations violentes suite à la mort suspecte de Justin Zongo, etc. aucun de ces drames n’a pu arracher le moindre discours du locataire du palais de Kosyam. Il a fallu des rafales et des tirs à l’arme lourde de militaires déchaînés pour obliger Blaise Compaoré à parler au peuple en dehors du rituel des 11 et 31 décembre de chaque année.


Dans la nuit du 22 au 23 mars 2011, la ville de Ouagadougou est terrifiée. Des tirs de kalaches, des tirs à l’arme lourde et des rafales obligent les Ouagalais à se terrer chez eux. Un coup d’Etat ? Non c’est une mutinerie de militaires pour avoir été condamnés dans une affaire de mœurs. Le lendemain matin, le constat de l’ampleur des dégâts est amer. Des commerces pillés, des stations services et édifices saccagés. Ces mutins pillards avaient-ils d’autres mobiles ? Certainement. En tout les cas ces scènes de pagaille auréolées de pillages se sont poursuivies dans d’autres villes comme Fada et Gaoua.

Ces actes bien que peu recommandables de la part de la soldatesque gratifient les Burkinabè d’un "cadeau présidentiel" très rare : le discours de Blaise Compaoré à la nation. Il faut des coups de feu et des détonations pour piper mot à notre cher président, fraîchement réélu avec plus de 80% des suffrages. Et pourtant…

Le 15 novembre 2008, un accident tragique intervient sur l’axe Ouaga – Bobo à quelques encablures de Boromo. Un car de transport en commun et un camion remorque sont entrés en collusion. Le bilan est très lourd : 66 morts tous ou presque entièrement calcinés et 30 blessés identifiés sur le lieu de la catastrophe. Le chef de l’Etat est en mission à l’extérieur du pays. Ils étaient nombreux à penser qu’il écourterait son séjour pour rentrer. Il n’en fut rien.

Le 1er septembre 2009, un déluge sans précédent dans la capitale burkinabè. 263mm d’eau de pluie sont tombés entre 4h et 16h. La furie des eaux emporte tout ou presque sur son passage, fait 150 000 sinistrés, des pertes en vie humaine et bien naturellement de nombreux dégâts matériels. Détresse, pleurs, amertume sont le plat de résistance servi aux Ouagalais. Blaise Compaoré est en France. Rentrera-t- il d’urgence ? Non, il a poursuivi sereinement son séjour métropolitain avant de rentrer réussir un grand coup de pub en goûtant le riz servi aux victimes du déluge du 1er septembre. Un discours de réconfort à la nation durement éprouvée ? Non plus. Les frustrations et murmures couvent : « notre président n’a plus de temps pour nous », préoccupé qu’il est à gérer les dossiers togolais, ivoiriens, etc. Dans ces pays Blaise Compaoré est fait roi et célébré comme homme de paix et de dialogue, mais à l’intérieur de son pays la marmite mijote. Doucement.


Et puis en fin février, le mot basta ! prit forme à Koudougou. Suite au décès suspect de l’élève Justin Zongo et au mensonge grossier servi à l’opinion nationale et internationale, Koudougou assume courageusement son pseudonyme de "ville rebelle" et manifeste violemment sa désapprobation. La répression est particulièrement féroce. Des élèves et étudiants tombent encore sous les balles assassines des forces de sécurité. Les jours qui suivent, plusieurs autres villes à travers le pays emboîtent le pas à Koudougou. Par solidarité. Des édifices publics crament, des domiciles de hautes personnalités sont mis à sac ou incendiés. Plus d’un Burkinabè s’est étonné de la généralisation en un temps record de ces manifestations violentes de jeunes en colère. Comment en est- on arrivés là ? Pour calmer la situation, entre autres mesures, il est décidé la fermeture de tous les établissements scolaires et universitaires, le décalage des congés du deuxième trimestre, la fermeture des cités universitaires et la suspension des œuvres sociales.

C’est dans cette situation de grogne sociale généralisée que la grande muette aux kalaches si bruyantes plonge ses bottes dans le plat. Feignant une décision de justice qui n’aurait pas été à la faveur de certains de leurs camardes d’arme, des militaires s’emparent des armes et des munitions pour envahir la ville de Ouagadougou la nuit du 22 au 23 mars. Tirs en l’air, pillages, saccages de commerces et de services publics et privés. Après Ouagadougou, Fada N’Gourma, Gaoua, Banfora suivirent. Par solidarité aussi, disent-ils. Ouaga rebelote avec l’incendie du domicile du chef d’Etat major général des armées et la blessure du maire de Ouaga Simon Compaoré. La situation inquiète. En haut comme en bas.

Le 30 mars, l’information circule que le président du Faso s’adressera à la nation à 13h. C’est finalement aux environs de 14h05mn que l’hymne national annonce le discours du chef de l’Etat. Dans ce discours, Blaise Compaoré dit avoir « saisi le sens et la portée de la quête de bien-être, de vérité, de justice et de sécurité qui sous tendent certaines manifestations ». Il réaffirme en outre sa disponibilité à rencontrer toutes les catégories sociales en vue d’échanger sur leurs préoccupations. « Dès demain, je recevrai les différentes composantes de nos Forces armées », a-t-il ajouté. Et le lendemain, le tapis du palais de Kosyam fut déroulé à la soldatesque. Ainsi donc, seule la mélodie des armes est capable de réveiller notre président et le disposer à écouter. Son Peuple. Nous prenons note.

 

Koundjoro Gabriel Kambou

 



02/04/2011
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