INFO-BURKINA

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Instabilité des universités d’Afrique

 

Un colloque pour pacifier nos campus

Les universités d’Afrique et surtout celles de l’Afrique francophone connaissent des situations de crises qui influent négativement sur le déroulement normal des années académiques. De plus en plus les années se chevauchent, le niveau et la qualité de l’enseignement baissent ; les universités sont devenues le bastion de la violence et de l’intolérance. Pourtant c’est aux universités que revient la lourde responsabilité de former les cadres de la société. Il y a donc nécessité d’agir pour pacifier nos campus. C’est dans ce sens que l’université de Ouagadougou a abrité les 22 et 23 février dernier, un colloque sur les « conditions de dialogue en vue de la stabilisation des universités d’Afrique ».

Voulu et organisé sur initiative de l’université de Ouagadougou, ce colloque avait pour ambition d’identifier les causes endogènes et exogènes des crises récurrentes qui secouent l’enseignement supérieur et compromettent la pertinence, l’efficacité et l’utilité sociale, et d’élaborer en concertation des stratégies pratiques, viables et durables de prévention ou de remédiation des crises. Il s’agit donc pour les différents acteurs de disposer d’outils théoriques et pratiques pour affronter en synergie des préoccupations communes et relever avec efficience les défis actuels et futurs de l’enseignement supérieur. Ce colloque de Ouagadougou sur les conditions de dialogue en vue de la stabilisation des universités d’Afrique a réuni pendant deux jours, d’illustres personnalités du monde diplomatique, du monde politique, des partenaires sociaux du monde du travail et estudiantin, et bien sûr du monde académique des universités membres de l’agence universitaire de la francophonie.

La cérémonie d’ouverture a été présidée par le ministre des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique Joseph Paré, en présence du président de la CRUFAOCI et du recteur de l’agence universitaire de la francophonie (AUF). Dans leurs interventions ils ont unanimement salué la pertinence du thème et reconnu que les crises dans l’enseignement supérieur entraînent une baisse considérable et regrettable du rendement interne et externe de ces institutions qui portent la responsabilité d’accompagner les sociétés dans les choix stratégiques qu’elles doivent opérer pour leur développement. Grâce à la solidarité inter- universitaire, les participants à ce colloque de Ouagadougou se sont penchés sur la problématique de la gouvernance universitaire afin de mettre en œuvre et de développer des mécanismes appropriés de résolution et de prévention des problèmes à l’aube de l’adoption du système LMD. Trois points ont été passés au crible par les participants. Il s’agit de l’examen des conditions d’apparition des crises et de leurs multiples conséquences, de la réflexion sur les stratégies et modalités de leur traitement et de la mise en perspective de la problématique de la gouvernance universitaire du point de vue des interactions entre les acteurs à la fois à l’intérieur des universités et entre les universités et la société.

En ce qui concerne la récurrence des crises dans nos universités, les participants relèvent quatre niveaux de causes. Il s’agit en premier lieu des causes politiques. En effet, les mutations sociopolitiques africaines de la décennie 1980 – 1990, la démocratisation et l’effritement de l’autorité des éducateurs, la gouvernance bâtie sur une tradition d’autoritarisme, de commandement et de répression, et les institutions laissées à la merci de l’Etat providence sont à jamais les facteurs qui ont favorisé la naissance des graves crises qui affectent aujourd’hui les universités d’Afrique. A cela s’ajoutent le statut précaire des enseignants- chercheurs, les débordements regrettables sur les campus des batailles politiques des sociétés en mutation, des querelles idéologiques partisanes et violentes.

Au chapitre des causes économiques le colloque de Ouagadougou pointe du doigt l’impact non négligeable des programmes d’ajustement structurel sur l’échelle des priorités des Etats, sur les politiques éducatives quand elles existent, et surtout sur l’insignifiance et l’inconséquence des budgets alloués à l’enseignement supérieur. Autres causes économiques, ce sont les investissements souvent dérisoires pour un équipement pédagogique et didactique conséquent pour la formation continue des formateurs en vue du renouvellement des méthodes et des curricula d’enseignement, l’origine quasi publique des budgets, la précarité et la dégradation continue des conditions d’étude, la massification des universités et l’absence de perspectives sur le marché de l’emploi.

Le troisième niveau de facteurs mis en cause par les participants au colloque sont les facteurs psycho- sociologiques. Il s’agit à ce niveau de l’absence d’espace de concertation et de communication saine, l’absence de mécanisme transparent de résolution des problèmes, le manque de confiance au système qui induit chez certains acteurs du désespoir de se faire entendre sans le recours à la violence, le poids des complexes et des représentations hiérarchiques entre les classes d’âge, l’exclusion ou la marginalisation de certains acteurs des sphères et instances de décisions. Les causes psycho- sociologiques des crises universitaires se recrutent également dans les frustrations créées par l’impuissance ou la démission des familles face à l’impératif d’éduquer et le mauvais usage des franchises universitaires.

Le quatrième niveau de causes relevé par les participants est relatif aux causes intellectuelles. Sur ce point ce sont essentiellement les dysfonctionnements de la gouvernance universitaire qui sont épinglés.

Comme on le constate, les participants au colloque international sur les conditions de dialogue en vue de la stabilisation des universités d’Afrique sont animés d’une conscience aigue de la nécessité et de l’urgence de repenser et de réinventer l’enseignement supérieur à la lumière des contextes national et international. Ils s’engagent également à participer à la conception, à la mise en œuvre des outils de pacification par une culture du dialogue et du partenariat stratégique, et au suivi- évaluation de leur pertinence et efficacité au service de la responsabilité sociale de l’enseignement supérieur en Afrique.  Sans être l’unique panacée, la grande part réside dans l’art de la création et de la valorisation des conditions du dialogue.

 

 

 

Recommandations du colloque de Ouagadougou sur les conditions de dialogue en vue de la stabilisation des universités d’Afrique

I. Pour prévenir les crises il faut :

1) Au niveau du Gouvernement

- investir en infrastructures pédagogiques et administratives et en équipements pédagogiques

- investir dans la formation des formateurs,

- investir dans la diversification des offres de formation

- investir dans la revalorisation de la fonction enseignante

2) Au niveau de la communauté universitaire

- planifier le développement de l’université

- clarifier le statut des enseignants- chercheurs

- définir la vision de l’université

- que les étudiants soient conscients de leur rôle dans la bonne marche de l’université en

• tolérant les opinions

• respectant le droit de manifester et le droit de ne pas manifester

• arrêtant la violence sur le campus

• acceptant de contribuer au coût de sa formation

II. En cas de crise, la création des conditions du dialogue passe par

- le respect mutuel entre toutes les parties prenantes

- l’acceptation de faire des concessions

Koundjoro Gabriel KAMBOU

 



13/03/2010
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