INFO-BURKINA

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SAMS’ K LE JAH

 

Déplacer les problèmes de l’université amplifie les ondes d’explosion

« Je suis un peintre qui fait sa peinture avec ses mots, son micro, sa musique. » En dépit des menaces de mort et même l’incendie de son véhicule, rien n’ébranle son engagement. « Je vis tranquille mon militantisme. » Pour un Burkina meilleur, par ses paroles et ses actes, il se bat. Féru de l’idéal du Capitaine Thomas SANKARA, il est aujourd’hui une icône, une référence pour la jeunesse burkinabè. Lui c’est SAMA Karim plus connu sous le nom de Sams’K Le Jah, l’animateur emblématique de la radio Ouaga Fm. Après des études en anglais à l’université de Ouagadougou, c’est avec juste raison qu’il se sent très proche des étudiants, comprend leurs problèmes et leur vient en aide. Très adulé par les mélomanes du Burkina, d’Afrique et d’ailleurs, Sam’s K le Jah connaît un succès remarquable. Sa seule déception, les femmes. « Je n’ai pas eu trop de chance avec les femmes. » Vous voulez en savoir davantage sur le Jah ? Suivez ma plume.

Koundjoro Gabriel KAMBOU : Le Jah, comment vous définissez- vous aujourd’hui, un animateur ou un musicien ?

Sam’s K le Jah : Un peintre qui fait sa peinture avec ses mots, avec son micro, avec sa musique voilà c’est tout.

Qu’est-ce qui explique votre engagement ?

C’est une expression que je n’aime pas trop, le mot engagement. On est chacun engagé, on a une conviction et on essaie de défendre cette conviction c’est tout. Moi je veux me sentir utile et par le peu d’expérience que j’ai, vouloir partager aussi cette expérience avec d’autres personnes. C’est ce qui explique mon militantisme en faveur d’un certain nombre de causes.

Comment vous vivez votre militantisme ?

Mais tranquille. Le militantisme ça suppose être toujours en mouvement, être toujours à l’écoute, être toujours là en observateur. Je vis tranquille ma façon de voir les choses.

A l’issue de plusieurs menaces de mort et l’incendie de votre véhicule on vous aurait proposé de quitter le pays, pourquoi avez- vous refusé de quitter le pays ?

On m’aurait proposé, qui vous a dit qu’on m’a proposé de quitter le pays ? Il y a une chose qui est déplorable dans ce pays les gens racontent du n’importe quoi. Ils ne viennent jamais à la source pour prendre la bonne information, chacun raconte ce qu’il veut. J’apprends même qu’on m’a donné une voiture, on m’a fait ci, on m’a fait ça, jusqu’à ce que je parte en France et apprendre d’autres choses là-bas à mon sujet. Bon c’est dommage mais quand une opinion publique doit se baser sur des fausses rumeurs ce n’est pas la peine. On ne m’a pas proposé de quitter le pays. C’est vrai qu’il y a eu la pression qui a été faite et dans les menaces de mort que j’ai reçues c’était que si je pars du pays que je ne revienne plus ; mais je suis là. Pour moi le combat c’est ici. Chaque fois que j’ai eu l’occasion de quitter le pays c’est vrai que plein de gars m’ont dit c’est mieux que tu restes parce que si tu repars c’est ci c’est ça mais je pense que mon combat c’est ici. Je ne peux pas changer grand- chose aux Etats- Unis, en Suisse, en France ou en Italie, mais je pense qu’ici avec les petites idées qu’on a si on les met ensemble, si on s’organise on peut arriver à construire une société dans laquelle ce sera un peu vivable pour chacun et pour chacune. C’est tout ce qui me motive à rester ici.

En dehors des menaces de mort, avez- vous reçu des propositions de sommes d’argent ou autres avantages afin d’arracher votre silence ?

Parce que ça c’est possible ? (long silence) Je sais pas (rire).

Comment se porte votre carrière musicale ?

Musicalement ça va de mieux en mieux. C’est une carrière que j’ai commencé timidement mais qui aujourd’hui est en train de prendre ses marques, que ce soit à l’intérieur du Burkina comme à l’extérieur ; la preuve je suis arrivé à sortir pour une tournée récemment en Italie, en France. J’en ai profité pour faire un tour en Allemagne donc ça veut dire que Sams’K le Jah se fait petit à petit sa place sur le plan international. Pour moi le plus important c’est ça. Chaque fois qu’il y a eu concert quand je vois la réaction de ceux qui me découvrent pour la première fois, et après ce sont des séances photos, des autographes, pour moi ce sont déjà des éléments qui montrent qu’on n’est pas sur le mauvais chemin, il faut seulement qu’on travaille davantage parce que pour moi c’est seul le travail qui libère l’homme.

Quel est le rêve que vous caressez concernant votre carrière musicale ?

Tout artiste a pour ambition d’arriver à propager son message le plus loin possible et de pouvoir toucher le maximum de masse possible. Moi mon rêve c’est ça. Que mon message puisse passer partout dans le monde et que je puisse rencontrer des gens qui partagent certaines vibrations dans l’objectif de poser les bases, c’est- à- dire des éléments, les briques pour un monde meilleur, parce que nous avons la conviction qu’un autre monde est possible, et pour y arriver il faut qu’on s’organise, il faut qu’on se mette ensemble et il faut qu’on partage les idées et à travers elles poser des actions concrètes en faveur des êtres humains partout sur la planète. Aujourd’hui on est tous face à la même déception, à la même frustration, aux mêmes exploiteurs donc il faut qu’on s’organise pour recadrer un certain nombre de choses. Tout être humain peut se tromper, maintenant il faut que celui qui se trompe admette qu’il s’est trompé et puisse aussi écouter les autres c’est ça le plus important.

Au paroxysme de la crise universitaire vous avez sorti un single pour dénoncer la répression des étudiants et reverser une part des bénéfices de vente aux étudiants, pourquoi vous sentez- vous si proches des étudiants ?

Parce que j’ai été étudiant, je connais les conditions estudiantines. C’est vrai que quand je passais à l’université c’est en ce moment les galères commençaient, j’ai eu la chance d’être parmi ceux qui avaient la bourse. J’ai plein d’amis étudiants avec qui je partageais ma bourse et même mes tickets de restaurant parce que c’était pas facile pour eux. Quand je vois que la situation n’a fait que se dégrader je me dis qu’il faut faire quelque chose pour ces frères et ces sœurs au campus. A côté de ça je recrute beaucoup de frères et de sœurs, beaucoup de « bara- môgô » au campus qui écoutent mes émissions, ma musique, qui viennent à mes concerts, qui achètent mes cassettes, je souhaite qu’ils soient dans des conditions meilleures pour avoir un peu d’argent et chaque fois qu’on a un concert qu’ils puissent payer et venir. Mais quand on voit aujourd’hui qu’ils ne peuvent même pas s’acheter des tickets de restaurants c’est la galère c’est pas du tout facile. Etant citoyen de ce pays on pense tous à l’avenir de ce pays. Un pays normal construit son avenir sur l’éducation, la santé, en gros sur le potentiel humain, mais ici c’est frustrant de voir un certain nombre de choses. Pendant qu’on parle de crise mondiale on permet aux dirigeants de vivre dans un luxe insultant, on organise des dépenses. Prendre des milliards pour fêter l’indépendance ça n’a aucun sens pour moi parce qu’il y a des combats plus urgents que ça. Dans la réalité on n’est même pas indépendant. Sur le plan monétaire on n’est pas indépendant, sur le plan politique une indépendance à relativiser. Le problème de l’université me concerne parce que je suis d’abord un citoyen de ce pays, j’ai été étudiant et ce sont mes frères et sœurs qui se retrouvent à l’université, qui traversent ces difficultés. Ce n’est pas parce que je ne suis plus à l’université que je dois oublier ce qui se passe là- bas. De temps en temps j’y passe, je cause avec des amis, des frères, c’est compliqué comme situation il faut que quelque chose se fasse. Tant que la situation à l’université ne va pas se régler notre pays n’aura jamais de tranquillité parce que de toute l’histoire, toutes les grandes révolutions sont parties des universités. Il faut donner à l’étudiant la possibilité de vivre sa vie d’étudiant. Il faut cesser de toujours déplacer les problèmes des étudiants parce que quand ils posent leurs problèmes on parle de récupération politicienne. Il faut régler les problèmes des gens et s’ils font autre chose là on pourra parler de récupération. Mais là les gars n’ont pas à manger, pour loger c’est compliqué, les cours à l’université ça se prend dans quelles conditions ? C’est tout ça qu’il faut voir. C’est ce qu’on a essayé d’apporter Smockey et moi, on espère que ça’ a servi à quelque chose. Mais on s’arrête pas là, tant qu’il y a une action à entreprendre en faveur des étudiants pour leur dire la vie c’est un combat permanent, on va pas hésiter. Tant qu’ils ne vont pas comprendre qu’ils doivent se mobiliser, arrêter les fausses distractions, les fausses manœuvres et se concentrer sur leurs problèmes réels, poser ces problèmes avec une lucidité pour que les gouvernants arrivent à trouver les réponses à ces problèmes, tant que ça sera pas comme ça, que ce soit dans un camp ou dans l’autre, ce sera toujours le jeu de chat et la souris et on ne va jamais résoudre les problèmes on ne fera que les déplacer ; or déplacer un problème c’est augmenter l’ampleur quand ça va exploser.

Selon vous quelle est la solution à la crise que traversent nos institutions universitaires ?

La solution c’est de poser les problèmes, les étudier et trouver des solutions. Que chacun prenne le temps d’écouter l’autre. Ce qui s’est passé le 17 juin dernier c’est déplorable (17 juin 2008, répression féroce des étudiants par les gendarmes NDLR). Quand des gendarmes sont obligés de tirer sur des étudiants, quand des étudiants sont obligés de foncer sur des gendarmes et après c’est des blessés par ci, c’est la désolation. Je dis, on ne construit pas un pays dans ce type de terreur. On dit qu’une nation divisée contre elle- même ne peut que chuter. Je pense que le plus important ici c’est que chacun, que ce soit du côté des grands frères au pouvoir, que ce soit les petits frères qui sont à l’université il faut que chacun comprenne que pour construire on n’a pas besoin de guerre. On pose les problèmes et on essaie de trouver les solutions qu’il faut. Tout le monde connaît les problèmes de l’université. Le gouvernement dit qu’il n’y a pas assez de moyens pour s’occuper du problème de l’université ; mais il faut déjà partir à la base, toutes ces galères ont commencé avec la signature des programmes d’ajustement structurel par nos Etats. Les études supérieures ont été sacrifiées. Les conséquences sont là aujourd’hui. La logique voudrait qu’on pose tous ces éléments et qu’on fasse une autopsie. Sinon je dis à force de déplacer les problèmes on amplifie les ondes de l’explosion. Avant c’était les étudiants, maintenant ce sont les professeurs d’université qui décrètent une grève illimitée, ça veut dire que ça ne va vraiment pas. Quand c’est les étudiants on crie à la manipulation, maintenant que c’est les professeurs qu’est-ce qu’ils vont dire ? Il faut vraiment faire quelque chose sinon, aujourd’hui on n’a que la gueule pour parler et on nous qualifie de grande gueule mais c’est parce qu’on sait que tant que ça va s’accumuler ça va mal tourner et on ne souhaite pas que ça tourne mal pour ce pays, voilà pourquoi on parle. On passe le temps à parler et les gens pensent à la limite qu’on les emmerde pourtant non il fau arriver à déranger.

Quelle appréciation faites- vous de la vie socio politique du Burkina ?

Je dis tout baigne au pays de ceux pour qui ça doit baigner. Nous on est là on observe. A force de parler on a reçu des menaces de mort ; c’est vrai qu’on ne va pas arrêter de parler mais on fait comme tout le monde, on regarde dans l’espoir qu’il se produira un changement un jour, un déclic quelque part que les gens prennent conscience qu’il faut faire quelque chose sinon ça va être le déluge.

Pensez- vous à un lendemain meilleur pour le Burkina ?

Si je ne pense pas à un Burkina meilleur c’est que je vais me mettre une balle dans la tête. Si on lutte, si on se bat c’est parce qu’on pense que ce pays mérite mieux que ce qu’on nous propose aujourd’hui. Si les hommes, les femmes et les jeunes s’organisent et s’engagent réellement dans la politique et qu’ils arrivent à imposer une vraie démocratie dans ce pays, je pense qu’on arrivera à un monde meilleur. J’étais en Taïwan, il y a cinquante (50) ans Taïwan était plus pauvre que le Burkina mais aujourd’hui on ne voit pas la poussière de Taïwan. C’est parce qu’ils ont misé sur le potentiel humain, ils ont formé les jeunes, ils ont eu des projets bien précis et aujourd’hui Taïwan est un des pays sur cette planète avec un taux de chômage avoisinant les 0%, avec un système de santé bien organisé. Il y a eu des projets de société qui ont été proposés et des gens se sont fixés comme objectifs d’arriver au mieux- être pour les Taïwanais et ils y sont arrivés. La preuve, ils nous aident aujourd’hui. Mais nous on a déjà aidé qui ? C’est nous on est bombardé depuis des années par les aides. Le Burkina et Haïti sont les plus bombardés par l’aide internationale. Je dis c’est la honte. Si je prends le cas de mon pays, on fête 48 ans d’indépendance, et vous imaginez un père de famille à 48 ans qui compte sur ses voisins pour nourrir sa famille, c’est le cas du Burkina.

Selon le programme du chef de l’Etat, l’accent est mis sur la valorisation du capital humain, est-ce que vous sentez cette valorisation ?

Est-ce que je sens ? Je sais pas. De toute façon je sais que j’ai ma contribution à apporter à la construction. Chacun doit apporter sa contribution. Je ne suis pas celui- là qui est dans son coin à porter seulement des critiques, je pose aussi des actions. Si nos gouvernants ne peuvent pas faire quelque chose pour nous, il nous appartient à nous de faire quelque chose pour nous- mêmes. Il fait ses propositions, il fait ce qu’il a à faire mais moi je n’attendrai pas qu’on vienne me dire Sams’K le Jah il faut faire ci il faut faire ça, non. Je prends sur moi d’organiser des camps de reboisement, des séances de projection- débat avec des jeunes pour leur proposer d’autres façons de voir les choses, d’organiser des concerts, tout ça dans le but de sensibiliser les jeunes sur la possibilité d’arriver à un monde meilleur. Il faut juste qu’on s’organise et qu’on arrive à imposer notre vision de la démocratie c’est ça le plus important.

Qui est l’idole de Sams’K le Jah ?

L’idole de Sams’K le Jah c’est Dieu. C’est tout.

Quelle est votre situation matrimoniale ?

Parce que je suis à la mairie ou à la police ou quoi ?

On veut vous découvrir davantage

Je suis un homme, point.

Et comment vous concevez le mariage ?

Le mariage, chacun se fait sa conception du mariage. Le plus important c’est d’être à deux et se dire qu’on a quelque chose à construire. Parce qu’aujourd’hui quand on parle de mariage on voit toute suite un homme et une femme qui vont signer des papiers à la mairie et l’instant d’après chacun achète des gants et puis on monte un ring de boxe à la maison et tous les soirs on se boxe. Le mariage n’aura son importance que s’il y a une vision assez claire des choses entre l’homme et la femme. Que chacun sache le rôle qu’il a à jouer et la complémentarité qu’il a à apporter à l’autre. Mais quand on doit se marier juste pour faire plaisir à la société je pense que ce n’est pas la peine. On a dit que qui se ressemble s’assemble, et quand on se marie c’est pour regarder dans la même direction. La difficulté aujourd’hui c’est qu’on n’a pas trop de chance à ce niveau là, je parle des jeunes. Moi particulièrement j’ai pas eu trop de chance avec les femmes. Les femmes n’aiment pas les hommes engagés, les hommes trop militants parce qu’ils prennent trop de risques ; et quand tu es très connu un peu partout tu peux plus dire bonjour à une fille, une autre fille ne peux plus t’appeler parce que toute suite on te met la pression, c’est qui ? Il n’y a pas de confiance, or ma vie ne peut pas être une prison. Moi- même je refuse que ma vie soit une prison, alors je pense pas qu’une femme viendra faire de ma vie une prison. Pour moi le mariage est une chose très noble qu’il faut respecter et tant qu’on n’est pas sûr d’avoir compris le mariage, il ne faut pas s’y engager.

Un mot de fin

Je vous dis merci et merci à tous ceux qui ont des vibrations positives pour Sams’K le Jah, qui me soutiennent surtout à l’université. Je comprends la lutte des étudiants, je comprends leur situation mais ils doivent refuser cette situation, et pour refuser cette situation il faut qu’ils s’organisent et il faut qu’ils luttent de façon objective pour poser les vrais problèmes auxquels ils ont à faire face. Il y a plein d’intelligence à l’université, c’est le centre de réflexion. Il ya plein d’intelligences qui peuvent proposer des choses intelligentes. Il faut aussi apprendre à développer d’autres stratégies c’est- à- dire des plans B pour pouvoir sortir de la galère. Il faut développer des stratégies pour pouvoir contrer certaines réalités ou les contourner.

Interview réalisée par Koundjoro Gabriel KAMBOU



09/05/2009
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