INFO-BURKINA

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Un musée de l’eau!

C’est quoi ça encore ?

La première fois qu’une amie m’a parlé du musée de l’eau ma réaction a été, "un musée de l’eau c’est quoi encore ?" D’où peut venir une telle idée à quelqu’un ? Toute suite je fus très intéressé d’aller voir ce que c’est, de rencontrer le promoteur dudit musée pour en savoir davantage. J’y suis allé, j’ai vu. En plus des merveilles et souvenirs (pour moi) rassemblés dans une bicoque en attendant de meilleurs lendemains, j’ai rencontré un promoteur passionné. « C’est vraiment la thématique de ma vie actuellement. Même avec mes enfants en famille je ne parle que du musée de l’eau. Je suis un peu passionné par cette question du musée de l’eau et c’est sur ça que je vis. », professe Alassane Samoura, sociologue de formation et expert dans le domaine de l’approvisionnement en eau potable, hygiène et assainissement. Un paradoxe ? Celui qui veut tant valoriser la ressource eau n’a pas d’eau courante dans sa maison. « L’eau m’a été coupée parce que je n’ai plus de moyens pour honorer les factures. J’étais consultant mais depuis que je travaille exclusivement sur le musée de l’eau, je n’ai plus d’entrée d’argent. Ma dernière entrée d’argent date de mai 2007.» Bref, visitons le musée de l’eau par la bouche d’Alassane Samoura.

Koundjoro Gabriel KAMBOU: Comment vous est venue l’idée de réaliser un musée de l’eau ?

Alassane Samoura : Le musée de l’eau c’est pour valoriser un peu les efforts que les populations du Burkina font dans la quête quotidienne de l’eau. On a beaucoup plus mis l’accent sur les aspects eau mais on ne voit pas aussi tous les objets qui peuvent aider à collecter l’eau, à transporter l’eau, à la stocker et en faire d’autres usages. Tous ces objets on les ignore, alors que sans ces objets on n’a vraiment pas de l’eau. Donc ce sont des objets qui accompagnent la ressource eau et qui permettent alors de lui donner toute sa valeur transversale. Voici le concept de la mise en valeur du musée de l’eau. Dans ce concept du musée de l’eau je voudrais donner un peu plus de la valeur culturelle, de la symbolique, de vertu à l’eau. Je voudrais donner aussi plus de douleur et de sentiments exprimés par les populations à travers les objets et ustensiles qu’elles utilisent notamment les femmes pour chercher cette eau là. C’est ça que je veux mettre dans le musée.

Depuis quand avez- vous conçu cette idée ?

J’avoue que c’est un projet que je cogite depuis très longtemps, depuis plus d’une dizaine d’années. Au fur et à mesure que je réfléchis j’écris quelque chose, je note des choses, et depuis plus d’une année maintenant je suis allé au charbon. C’est devenu pour moi une activité à part entière, passionnante pour toute la journée et ce n’est que sur ça que je travaille en ce moment. De la conception à la mise en œuvre il a fallu rassembler tous les objets qui sont liés à l’eau, notamment les calebasses, les outres à peau, les bassines, les seaux, les jarres, les marmites, les gargoulettes ; tout ce qui peut être ustensile, objet ou support qui permet de rendre l’eau plus visible. On a à peu près trois mille objets divers qu’on a pu rassembler pour mettre dans le musée.

En dehors de ce musée vous ne faites pas autre activité en ce moment ?

Je crois que le musée en lui seul c’est un grand projet, un projet monstrueux. Il ne peut pas vous laisser de côté. Il vous accapare des jours, des nuits entières. Quand vous parlez du musée de l’eau vous ne parlez pas d’autres sujets en dehors du musée. C’est vraiment la thématique de ma vie actuellement. Même avec mes enfants en famille je ne parle que du musée de l’eau. Je n’ai pas d’autres sujets de causerie pour l’instant sauf le musée de l’eau. Comme l’a dit le philosophe Hegel rien en se fait sans passion ; donc je suis un peu passionné par cette question du musée de l’eau et c’est sur ça que je vis.

Une vue des objets exposés au musée de l'eau

Où est situé le musée de l’eau?

Du point de vue localisation on peut trouver le musée de l’eau à Saaba non loin de la préfecture mairie. C’est là qu’on a pris une petite bicoque pour ranger le petit matériel en attendant d’avoir un peu plus de fonds où on voudrait commencer par un forage sur les cinq (5) hectares qui nous ont été octroyés pour délimiter l’espace en plantant des arbres, en faisant une haie vive et en extrayant de la terre pour faire des briques afin de construire des cases rondes dans lesquelles nous allons mettre tout ce matériel.

Qu’est-ce qu’on trouve dans le musée de l’eau ?

Dans le musée on trouve des objets liés à la collecte de l’eau, des pompes manuelles usagées, des puisettes, des cordes traditionnelles, des gourdes, des outres. Ensuite on passe à l’autre étape qui est celle du transport de l’eau. Il y a donc les jarres, les canaris, les calebasses. A l’étape de stockage on trouve tous les objets liés au stockage de l’eau. Enfin on peut aussi trouver d’autres objets pour le prélèvement et la consommation de l’eau comme les gobelets en faïence ou les gobelets en verre, en poterie. Au delà de ça on a dans le musée de l’eau d’autres aspects très importants qui sont les aspects textuels. Dans le musée de l’eau on trouve les textes liés au symbole de l’eau. Par exemple quand on dit l’eau est symbole de pardon, de réconciliation, de tolérance, tous ces ensembles de symboles et de vertus de l’eau on les met dans le musée pour que les gens comprennent que l’eau est vraiment une denrée très importante qu’il faut sauvegarder pour en faire un des patrimoines les plus chers de l’humanité. Dans le musée de l’eau on peut trouver tout ce qui est lié à l’hygiène et à l’assainissement. La cendre, les savons traditionnels, les balaies, les matériels récupérés des latrines on peut les retrouver dans le musée. On a les techniques d’investigation de recherche de l’eau à partir des bâtons, du pendule. Tout le savoir faire et le savoir être des Burkinabè sont consignés dans le musée. On a les fables, les contes, les anecdotes, les représentations théâtrales, les us et coutumes, les proverbes. Quand on dit "ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau", "met un peu d’eau dans ton vin" ou quand dans ma langue on dit "l’eau goutte à goutte perce le roc" ça veut dire qu’ensemble vous vous mettez, petit à petit vous arrivez à faire des choses grandioses. L’eau est un grand symbole pour éduquer, pour sensibiliser, pour faire du civisme et de la citoyenneté dans notre société. Le musée c’est également tous ces animaux aquatiques auxquels on donne la parole. Quand le crapaud dit "c’est au fond du puits que moi j’entends les nouvelles du village par la bouche des femmes tôt le matin", quelque part on personnalise le crapaud pour dire les animaux aquatiques peuvent parler à la place des hommes. A un moment donné il faut que l’on personnalise tous ces animaux pour qu’ils fassent de la satire sociale ou politique. Dans le musée on fait aussi l’histoire des cours d’eau. On a beaucoup de cours d’eau au Burkina qui ont une histoire. Quand on dit qu’un forage, un puits peut guérir une maladie ou quand on dit qu’une femme qui ne procrée pas peut se confier à un puits et qu’au bout de neuf mois cette femme enfante et qu’elle donne le nom de ce puits à son enfant, ce sont des faits assez importants qu’il faut mettre dans le musée.

Le promoteur du Musée de l'Eau, Alassane SAMOURA

Qu’est-ce que vous attendez comme contribution de la population burkinabè dans la réalisation du musée de l’eau ?

J’attends que chacun apporte sa part de contribution. La contribution peut être matérielle ou intellectuelle. J’entends par contribution intellectuelle une phrase, un proverbe, une anecdote, un conte, une maxime qu’un Burkinabè de Gorom- Gorom ou de Banfora sortirait sur l’eau et qui puisse être capitalisé dans le musée, moi je trouve ça comme contribution très énorme. C’est un ensemble de connaissances si on n’y prend garde on risque de les perdre. Il faut alors les consigner dans le musée sous la forme textuelle ou la forme de bande dessinée, de manuels qui pourraient servir plus tard aux enfants. La deuxième contribution peut être matérielle. La contribution matérielle c’est de dire moi j’ai un objet qui peut servir pour le musée, j’ai une jarre, une calebasse, une pompe, une corde, etc. tout ce qui peut vraiment servir comme matériel ou objet dans le musée, je pense que c’est une contribution importante que chacun de nous Burkinabè peut apporter. La troisième contribution c’est la circulation de l’information. Il faut que chacun parle du musée de l’eau autour de lui, que chacun fasse circuler l’information afin que le musée soit bien connu de tous. La dernière contribution et pas des moindres c’est la contribution financière. C’est de voir comment chacun peut apporter quelque chose financièrement parlant pour que ce musée puisse évoluer. On a vraiment besoin de ressources financières pour faire un forage, pour s’acheter du petit matériel pour commencer. Ce sont ces contributions que nous souhaitons, que tout ce qu’un Burkinabè peut apporter qu’il le fasse pour que ce musée soit un centre culturel très rayonnant, très attractif pour le Burkina Faso et pour toute l’Afrique parce que c’est une première qu’on parle d’un musée de l’eau en Afrique et dans le monde.

Contact du musée de l’eau : 70 23 98 37 ou le 50 46 07 46.

Mail : musee_eau@yahoo.fr

 

Interview réalisée par Koundjoro Gabriel KAMBOU

 



22/07/2009
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