INFO-BURKINA

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UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU

Le SYNADEC menace… La loi du « mange et tais- toi » a- t- elle eu raison du ministre Paré ?

 

Longtemps ignorés et méprisés,

Longtemps oubliés et humiliés,

Les sapeurs pompiers de l’université

Sont fâchés. Après réflexion et examen,

Par des mouvements sociaux à l’université,

Ils promettent perturber,

Si jamais…

La marmite de la crise mijote encore avec vigueur au campus universitaire de Zogona. Alors que l’on croyait que désormais la mousson de la tranquillité soufflait sur le campus après trois mois de rude tempête, les enseignants sont montés au créneau le vendredi 21 novembre dernier à travers une conférence de presse. « Nous attirons l’attention de l’opinion publique et la prenons à témoin sur la dégradation continue de la situation à l’université et sur nos appels à l’action lancés régulièrement, mais auxquels les autorités opposent un mutisme méprisant, et sur l’imminence d’une crise encore plus grave que celle qui a été vécue cette année, si rien n’est entrepris pour changer les choses de façon radicale. » Ainsi menace le Syndicat national autonome des enseignants – chercheurs (SYNADEC). Par la voix de son secrétaire exécutif, le SYNADEC estime que les « décideurs n’accordent aucune importance aux enseignants. » à cette conférence de presse nous avons vu des enseignants véritablement remontés contre les autorités, racontant leur situation de dénuement social et professionnel avec passion et… presque des larmes aux yeux. « Nos salaires et indemnités sont ridiculement bas, aussi bien par rapport aux efforts que nous fournissons, qu’aux résultats qu’on attend de nous… nous sommes obligés de prendre sur nos congés et vacances pour nous consacrer à la recherche dans laquelle nous investissons une part non négligeable – et non remboursable- de nos maigres salaires… Nos domiciles sont toujours transformés en bureaux, vu que nous ne disposons pas sur le campus, des locaux nécessaires. Nous sommes même souvent obligés de recevoir les étudiants sous des arbres ou dans les couloirs. » A la question d’un journaliste nous avons vu ce professeur à deux doigts de sa retraite, répondre à la question avec amertume, les lèvres tremblantes d’émotion. « Après tant d’années d’efforts pour former les cadres du pays, je n’ai pas de bureaux où je peux travailler. » « Chaque fois quand ça ne va pas on nous demande de sauver la situation, nous sommes devenus les sapeurs pompiers de l’université. Aujourd’hui nous sommes fatigués d’être à ce point méprisés et humiliés. Nous ne laverons plus notre linge sale en famille comme nous l’avons toujours fait. » Et le linge sale fut vraiment exposé aux journalistes, et par eux, à l’opinion publique.

               Le secrétaire exécutif du SYNADEC, Magloire Somé

Les moyens mis à la disposition de l’université sont trop faibles. Ainsi, des enseignants missionnaires étrangers repartent après leur mission d’enseignement sans avoir été payés ; les enseignants sont obligés d’arrêter  de travailler à cause de ruptures de matériels de travail, jusqu’à la craie. Les enseignants se retrouvent dans des cybercafés pour leurs travaux de recherche ou d’impression de documents, à leurs propres frais. Les conditions de travail et de vie des enseignants du Burkina Faso sont aujourd’hui nettement dégradées face à l’explosion des effectifs et à la nette insuffisance des infrastructures et logistiques de formation universitaire. La grille salariale actuelle des enseignants de l’université est vieille de près de trois décennies car elle date de la période révolutionnaire. Avec des exemples à l’appui les conférenciers ont montré que l’enseignant burkinabè est le plus mal loti de la sous région. Selon une étude du syndical national autonome des enseignants – chercheurs, dans seulement huit (8) ans, cent (100) à cent vingt (120) enseignants seront admis à la retraite si l’âge de la retraite reste maintenu à soixante – trois (63) ans. Alors, dans les cinq prochaines années, la perte sera double pour l’université de Ouagadougou car ces enseignants admis à la retraite n’auront pas de remplaçants. L’université perd du même coup en quantité et en qualité du fait de l’absence d’une politique prospective au niveau de l’enseignement supérieur. La misère des enseignants- chercheurs s’est intensifiée avec des dettes sociales accumulées depuis 2005 et dont le paiement n’a pu être envisagé que suite aux pressions du SYNADEC. Aussi, dans l’opération Dotation des enseignants en ordinateurs portables, lancée en 2006 – 2007, une somme de vingt (20) millions a été détournée par un agent qui n’a reçu comme sanction que l’affectation. « Comme dettes sociales nous énumérons la prime de recherche qui n’était pas payée et qui est maintenant payée ; le mois de prolongation de l’année 2006 – 2007 qui a été payée à la fin du mois d’août ; le reliquat des indemnités de logements qui devraient être payées depuis 2005 et qui ne sont pas encore payées ; le problème de l’indemnité de sujétion qui devait passer à 20 000f à partir de 2005 et qui n’était pas encore payée. Au sujet de l’indemnité de sujétion, le gouvernement a produit des textes pour dire qu’à ce sujet il n’y a pas de revendications à faire parce que le texte a été révisé. Nous avons posé le problème des actes académiques à payer et le problème de ceux qui se sont engagés pour les ordinateurs et qui ont été lésés. Maintenant pour chaque enseignant si vous prenez l’indemnité de logement, le reliquat qui reste c’est 60 000f par an multiplié par 3 ça fait 180 000f par enseignant. Tous les enseignants ne sont pas concernés mais uniquement les enseignants titulaires, de maître assistant à professeur titulaire. C’est moins de 400 personnes qui sont concernées par cette dette. » Un calcul rapide avec même 400 personnes nous donne un total de 72 millions de dettes à payer. Cette somme est loin du quart de celle (500 millions) utilisée pour construire le mur de l’université qui n’était pas une priorité de l’avis de Magloire Somé.

Pour le SYNADEC, il est temps que justice soit faite aux enseignants et que l’on reconnaisse à sa juste mesure l’importance de la tâche qu’ils abattent dans des conditions de travail très difficiles pour rendre un travail de qualité. Au cours de cette conférence de presse, le SYNADEC a relevé le fait que le niveau des étudiants est en chute libre au regard des conditions de misère totale dans lesquelles enseignants et étudiants travaillent dans le temple du savoir au Burkina Faso.

A la question de savoir ce qui pourrait se passer si leurs revendications ne sont pas honorées, le secrétaire exécutif du SYNADEC martèle : « Si ces revendications ne sont pas honorées nous allons engager des mouvements sociaux. Nous avons le droit de grève. Nous allons grever, nous allons utiliser tous les moyens légaux à notre possession pour nous faire entendre. Nous serons obligés de perturber par des mouvements sociaux. D’ailleurs, la rentrée académique 2008 – 2009 prévue pour le 1er décembre ne sera pas effective.»

  Cette situation de misère et de délaissement décrite par les enseignants nous conduit à deux constats :

1 – Le ministère des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique est dirigé par le professeur Joseph Paré qui fut président de l’université de Ouagadougou. Lors de sa présidence, il avait lancé un appel à toute la communauté universitaire pour faire des propositions en vue de la rédaction d’un Livre blanc de l’université. Le professeur Paré entendait soumettre ce livre aux dirigeants du pays pour leur demander de financer plus conséquemment l’université. Il insistait pour dire que si ce n’était pas le cas, dans quelques années, nous assisterions impuissants au naufrage de notre institution universitaire.

Avant de rédiger ce Livre blanc de l’université, M. Paré a rejoint le cercle fermé des décideurs du pays. Il est nommé à la tête du département qui défend les intérêts de son université. Mais depuis son accession aux instances décisionnelles, rien n’a fondamentalement changé dans la situation de l’université. Au contraire la dégradation s’accentue. Alors, la règle du « mange et tais- toi » a- t- elle eu raison de notre professeur aux intentions jadis nobles ?

Le progrès continu pour une société d’espérance du président Faso est, nous dit- on, axé sur la valorisation des ressources humaines. En la matière notre pays est passé maître dans l’organisation de rencontres internationales où sont discutées les questions de ressources humaines et d’emplois. En juin 2006, un séminaire international organisé dans notre capitale relevait avec juste raison que l’enseignement supérieur est bel et bien au cœur des stratégies de développement. Mais entre ces cérémonies « pour paraître » organisées à coût de millions et la réalité que vivent les acteurs sur le terrain, il réside un fossé d’effondrement. De quelle valorisation de ressources humaines parle- t- on quand les futurs cadres du pays s’asseyent sur des briques ou à même le sol pour prendre des cours ?

                                                                          Koundjoro Gabriel KAMBOU

 

 



30/11/2008
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